Claire Orain et Nathalie Guénégo, principale et enseignante, collège Petite-Lande

Au collège Petite Lande, la laïcité est à l’honneur cette année à travers un projet pluridisciplinaire qui se terminera par une exposition. Claire Orain, principale du collège, et Nathalie Guénégo, professeure d’histoire-géographie, constatent qu’il est nécessaire de réaffirmer ce principe.

Que représente la laïcité pour vous ?

Nathalie Guénégo : C’est un principe de la République sur lequel on s’appuie au collège pour vivre ensemble. C’est notre quotidien, en plus de figurer au programme pour la discipline que j’enseigne. C’est aussi une question parfois épineuse, difficile à expliquer et à comprendre. En sixième, on travaille sur la loi de 2004, qui interdit les signes religieux ostentatoires à l’école. Je leur explique qu’il ne s’agit pas de s’opposer à une religion en particulier, mais qu’il est important d’émanciper les élèves de toute influence au sein du collège. Cela s’élargit à des questions telles que celle de la place de la femme.

Claire Orain : En tant que cheffe d’établissement, la laïcité fait partie de ma déontologie. Le principe de neutralité absolue est l’une des premières choses que je rappelle aux jeunes collègues qui intègrent l’établissement. Ce n’est pas une valeur qui s’arcboute devant une religion en particulier, mais un bien précieux, une exception culturelle bien ancrée, à préserver.

La laïcité vous semble-t-elle en danger ?

NG : Nous constatons que la frontière entre sphères publique et privée tend à s’effacer, beaucoup d’élèves ne les distinguent pas du tout. Nous devons leur rappeler que, quelle que soit leur foi, ils n’ont pas à l’exprimer au sein du collège. Mais nous assistons à l’apparition de croyances inquiétantes, portées par des stars admirées par les enfants, qui remettent en cause l’enseignement que nous leur donnons et les certitudes scientifiques sur lesquelles il repose : la terre est sphérique, l’homme descend d’un singe, la terre n’a pas été créée en sept jours… Ça peut être déstabilisant car on se heurte à la négation de choses allant de soi. Et ces « croyants » sont très difficiles à convaincre.

CO : À mon arrivée à Rezé, j’ai été éberluée de voir des églises évangélistes ou pentecôtistes avoir pignon sur rue… Depuis que des attentats frappent les écoles, on s’interroge sur ce qui amène des jeunes élevés, biberonnés par l’école républicaine à contester la laïcité, le pacte républicain… On leur répète que ce ne sont pas « mes » valeurs mais « nos » valeurs. Mais l’école ne peut pas tout.

NG : Un conflit de loyauté vient se greffer : contester la laïcité, pour certains, c’est faire preuve de loyauté vis-à-vis de leur famille, de leur origines… Renseignements pris, d’ailleurs, ils sont bien souvent « plus royalistes que le roi », car leurs parents ne sont pas toujours particulièrement pratiquants. En pleine crise d’adolescence, certains se replient sur une identité, affirment une pratique religieuse à l’âge où leurs aînés, nous, prenaient des engagements politiques. On a l’impression d’un recul, il y a beaucoup de choses à consolider. On y travaille, on sème des petites graines…

La période actuelle exacerbe-t-elle le problème ?

NG : L’abondance d’informations contradictoires sur les réseaux sociaux n’aide pas. Ils ont l’impression d’y avoir tous les droits. À nous de leur expliquer que, oui, ils ont des droits, mais qu’il y a aussi des limites. Et à leur apprendre à vérifier les informations, les sources, que l’internet est un outil, mais qu’il y en a d’autres. Car on ne peut pas passer notre temps à démonter la théorie du complot.

CO : Nous sommes confrontés à une génération en quête de sécurité. En plus de toutes les problématiques de pollution, dérèglement climatique, etc., vient la pandémie et ses conséquences, qui posent la question de la liberté : comme beaucoup d’adultes, ils se montrent prêts à accepter beaucoup de choses au nom de la sécurité, avec toutes les dérives et instrumentalisations à craindre.

Quelle rôle la laïcité peut-elle jouer pour rassurer les enfants ?

Leur inquiétude peut expliquer ce besoin d‘un point de fuite que quelques-uns trouvent dans la religion, la secte. Ils ont besoin de certitudes, certains leurs en donnent. L’enjeu majeur, pour nous éducateurs, est de leur redonner de l’espoir, de la lumière, leur montrer que, collectivement, on s‘apporte des choses. Ce sont des thèmes qui leur tiennent à cœur. Pour éveiller les consciences, cultiver l’esprit critique, il faut pouvoir aborder librement les sujets en rapport avec la laïcité, qui est le socle contenant les trois points de notre devise : liberté, égalité, fraternité.

De quelle manière faites-vous vivre la laïcité dans le collège ?

Nous avons préparé récemment un projet pluridisciplinaire autour de ce thème et de celui de la liberté d’expression, en explorant divers sujets transversalement dans plusieurs matières. Galilée, par exemple, en français, sciences, mathématiques, histoire-géo… En amont, nous accueillons une exposition des archives départementales sur la loi de 1905, sur laquelle travaillent les 4e et 3e. Des représentants de la FAL viendront en janvier travailler et débattre avec les enfants. Une exposition des différents travaux réalisés clôturera le projet. Nous tenons à ce que nos élèves comprennent que la loi de séparation des Églises et de l’État est une richesse qui permet le débat.